Corinne Vonaesch: Le reve de Jacob
Le rêve de Jacob (Genèse 28)
Méditation de Laurence Mottier, pasteure
Tableau de Corinne Vonaesch, artiste peintre
Je m’appelle Jacob et j’ai tout perdu…ce matin, j’ai dû quitter ma famille, mon clan, mon pays ; j’ai lu la haine dans les yeux de mon frère Esaü; j’ai lu la désolation sur la face de mon père : j’ai dérobé la bénédiction d’Esaü à notre père Isaac et aujourd’hui je suis devenu un hors la loi, un paria. Comment pouvais-je imaginer que cela marcherait ? Moi qui avais tout dans le camp là-bas, chez moi, je me retrouve avec ma tunique sur le dos, sans rien, sans bétail, sans arme, sans chameau, sans bagages et sans aucune protection. Et si des brigands venaient à passer … ? Je vais peut-être mourir seul dans ce désert, comme un chien errant et personne n’en saura rien. Que m’arrive-t-il ? Suis-je dans un mauvais rêve ? y aura-t-il une fin à ce cauchemar ?
Ma mère m’a dit d’aller chez son frère Laban tout là-bas à Haran ; son regard paniqué m’a chassé hors de notre tente et je n’ai pas eu le temps de l’embrasser : la reverrai-je un jour, ma mère chérie ? Je marche, je n’ai que cela à faire…je marche, je fuis, j’ai peur…aurais-je les forces ? vais-je y arriver ? je suis seul, tout seul maintenant….
Au cœur de son cauchemar et de sa solitude, Jacob fait un rêve merveilleux et fantastique ; un rêve à haute teneur spirituelle, une vision intérieure où son ciel obscurci et vide se peuple soudain de vie et de mouvement, d’êtres qui circulent du haut en bas, du bas en haut, dans une danse majestueuse qui relie le ciel et la terre. Une part du monde céleste s’ouvre, vient à sa rencontre et se révèle à lui dans sa force, sa beauté et sa paix. Au cœur de sa débandade de fuyard et d’usurpateur, Jacob reçoit une parole fondatrice qui lui rappelle son identité et sa vocation. Lui qui a perdu ses repères familiaux et familiers -ce qui pourrait d’ailleurs le déstructurer, le désarticuler, le démembrer- il reçoit là une promesse qui lui redit qui est son Dieu, d’où il vient et quelle est sa destinée.
Jacob voit et Jacob entend.
Jacob voit le monde spirituel comme un lieu ouvert, communiquant, proche et bienveillant. Il découvre non pas quelque chose de clos ou de lointain, le trône statique et inaccessible d’un Juge colérique et guerrier mais une échelle d’anges tournoyant dans la nuit humaine et venant pacifiquement y déposer des traces de lumière et de présence divine. Jacob entend une parole qui, après la cassure de ses liens, va refonder son être et sa vie ; les refonder en Dieu, le Dieu de l’alliance, le Dieu d’Abraham, et d’Isaac, le Dieu fidèle de génération en génération qui scande sans se lasser :
Je suis avec toi, je ne t’abandonnerai pas et je te protégerai partout où tu iras.
Jacob appartient toujours à cette lignée et il est toujours appelé à y tenir sa place, à y accomplir la promesse de tout son peuple : être bénédiction pour toutes les nations de la terre ! Il s’est trompé, il a trompé les siens mais tout n’est pas rompu ; la promesse de Dieu se faufile au travers des ruptures et des dégâts commis à l’échelle humaine pour que le fil de son alliance lui, continue de se tisser et de réaliser sa volonté, une volonté bénissante, englobante…
Comme Jacob, dès que l’on a tout perdu, il nous reste l’essentiel, notre lien originel à Dieu. Dès que l’on se retrouve dépouillé et nu, (moralement, physiquement, socialement, humainement) il nous reste ce qui ne peut nous être ôté : notre dignité de fils, de fille de Dieu.
Si étrange soit-elle, j’aime cette échelle céleste ; n’est-elle pas un autre, un 2ème cordon ombilical, qui nous relie à notre Dieu ? une corde spirituelle, verticale qui nous ancre en-haut, là-haut, dans notre source divine et nourricière ?
Une parole peut infléchir le cours d’une vie, parole de relèvement ou d’écrasement. A travers ce rêve à la fois visuel et auditif, au cœur de cette solitude à apprivoiser, Jacob peut se relever avec la promesse de son Dieu : elle sera sa force et son espérance pour aller au-devant de l’inconnu et d’une vie à inventer loin des siens : Parole du Seigneur Dieu « Tu reviendras un jour chez toi, Jacob ! A mes yeux, tu n’es ni un banni, ni un proscrit. Tu es toujours fils et héritier de ma promesse. Alors va maintenant… ».
Amen
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Corinne Vonaesch est née en 1970. Son parcours d’artiste-peintre débute à 20 ans et l'a amenée depuis à développer une expression picturale personnelle. Il en découle une peinture colorée et contrastée, inspirée par le monde environnant et par les représentations intérieures de l’artiste. Une source d’inspiration importante découle des textes de la Bible, illustrés notamment par les deux séries "Couleurs d’Evangile - L’Évangile de Jean en 21 tableaux" et les sept jours de la Création (livre de la Genèse), et suivis de nombreux autres tableaux autour de cette thémathique. Beaucoup de ces peintures sont demandées pour illustrer des livres, revues ou matériels catéchétiques dans plusieurs pays. Depuis 2004, Corinne Vonaesch a aussi animé plusieurs week-ends créatifs autour d’un texte biblique dans le cadre de L’Eglise protestante de Genève, en collaboration avec des pasteurs.
Laurence Mottier, pasteure au service de L'Eglise protestante de Genève.